Droits humains et accès à la justice: le Projet ADALCI renforce les capacités des avocats et des acteurs de la société civile sur les stratégies de litiges
Du 04 au 07 Avril 2022, l’hôtel Bravia de Niamey abrite les travaux d’un séminaire de formation sur les stratégies de litiges destinés aux membres du Barreau du Niger et des acteurs des organisations de défense des droits humains. L’initiative s’inscrit dans le cadre des activités du Projet “Droits humains et accès à la justice au Niger” (ADALCI, équité en haoussa), financé par l’Agence américaine pour le développement international (USAID) en partenariat avec l’Association du Barreau Américain (ABA-ROLI) et mis en œuvre depuis 2020 par Search For Common Ground (SFCG) dans les régions en conflits : Diffa, Tahoua et Tillabéri.
Après les magistrats en charge des instructions, qui constitue un des maillons essentiels du système judiciaire national, c’est autour des membres de l’Association du Barreau du Niger et les acteurs des organisations de la société civile de défense des droits humains de se retrouver en séminaire de formation pour renforcer leurs capacités en stratégies de litiges dans le cadre des activités du projet Droits humains et accès équitable à la justice au Niger “ADALCI” (équité en langue haoussa).
Les travaux du séminaire ont été lancés le lundi 04 avril dernier à l’hôtel Bravia de Niamey au cours d’une cérémonie solennelle qui s’est déroulée en présence du Secrétaire général adjoint du ministère de la Justice, du Représentant de l’USAID, de l’ABA-ROLI et de CFCG, du Directeur du programme ADALCI, du Secrétaire général et des membres du Barreau du Niger ainsi que ceux des OSC de défense des droits humains.
Améliorer les droits fondamentaux et la protection des populations vulnérables
Après avoir fait la genèse du Projet ADALCI ainsi que ses principaux objectifs, il a abordé ceux spécifiques de ce séminaire qui est centré sur les stratégies de règlement des litiges en matière de droits humains. Il a indiqué qu’avec les experts nationaux et internationaux qui vont l’animé, le séminaire va permettre de procéder à une étude de la législation nigérienne en matière de droits humains, notamment en ce qui concerne les droits des femmes et les droits des enfants qui seront comparées avec les dispositions de la Charte africaine des Droits de l’homme. “Cette approche qui peut sembler théorique, ne doit pas cacher le fait que ce séminaire est avant tout résolument pratique, basé sur des études de cas concrets, ainsi qu’un procès fictif, qui auront lieu le troisième jour. Aux professionnels du droit et de la défense que vous êtes, chers participants, il nous a semblé important d’avoir cette approche pratique et concrète”, a poursuivi M. Dobrovoljec qui a tenu à insister, à l’endroit des participants, “toute l’importance de ce séminaire qui a pour but, in fine d’améliorer le respect des droits fondamentaux et la protection des populations les plus vulnérables”. Le Directeur du programme ADALCI n’a pas manqué d’adresser ses remerciements aux participants ainsi que les autorités et partenaires pour leur appui pour la tenu de cet important évènement. “Notre projet Adalci se tient et se tiendra résolument aux cotés des autorités judiciaires et aux cotés de l’Ordre des avocats du Niger, avec l’aide et sous la coordination de l’USAID, afin de participer à l’amélioration de la protection des Droits humains”, a enfin assuré M.Daniel Dobrovoljec.
Une initiative pour renforcer les capacités des avocats en matière de litige sur les violations des droits humains
Pour sa part, le Secrétaire Général de l’ordre des Avocats du Niger, Me Karim Souley a tenu à remercier l’Association des Barreaux Américains (ABA) et ses partenaires que sont l’USAID et Search For Common Ground pour cette initiative destinée à la formation des confrères et des organisations de la société civile (OSC) de défense des droits humains. “Le thème choisi qui porte sur les stratégies de litiges est un thème qui rentre dans la droite ligne des missions de l’Avocat dont l’intervention pour l’essentiel s’effectue dans le cadre des litiges“, a-t-il estimé avant de faire remarquer que ce thème intervient dans un contexte international dans lequel la violence s’invite de plus en plus dans le règlement des litiges. “Il vient à point nommé démontrer l‘existence de mécanisme de règlement de litige par des instruments juridiques nationaux et internationaux. Ces mécanismes doivent être en toutes circonstances privilégiés dans le cadre de règlement des litiges”, a poursuivi Me Karim Souley pour qui, cette formation renforcera sans nul doute les capacités des avocats et des membres des OSC en leur permettant de s’approprier des stratégies dans la gestion des litiges.
“Au regard de la qualité des participants et de l’engagement de tous, le barreau du Niger reste persuadé que des enseignements pertinents sortiront de cette formation”, a ajouté Me Karim Souley qui s’est dit aussi convaincu de l’apport qu’elle produira à ses confrères désignés pour représenter le Barreau. Tout en souhaitant que ces sessions de formations soient intensifiées afin que l’ensemble des Avocats du Barreau du Niger puissent en profiter de ces enseignements, le SG a réitéré la disposition du Barreau du Niger à accompagner l’Association des Barreau Américain dans ses missions de vulgarisation des droits humains.
ADALCI, un projet pour réduire la vulnérabilité à l’extrémisme violent
Dans son intervention, le Représentant de l’USAID, M. Abdourahmane Hassane a rappelé que le projet ADALCI a été conçu pour améliorer l’accès à la justice et aux droits humains au Niger. En un mot, a-t-il fait savoir, “Adalci fournit aux personnes et aux communautés les outils dont elles ont besoin pour traiter de manière juste ct équitable les griefs qui les opposent les uns aux autres et pour résoudre les conflits non résolus et latents”. Selon son Représentant, l’USAID qui investit chaque année quelques 200 millions de dollars USD au Niger, cherche à travers le Programme ADALCI, lancé en 2020, à “réduire la vulnérabilité à l’extrémisme violent en renforçant et en soutenant l‘accès à la justice formelle et informelle dans les communautés touchées par le conflit à travers le Niger”.
Selon les explications, le projet Adalci repose sur trois approches principales qui sont, notamment, de renforcer les mécanismes traditionnels de règlement des différends; de renforcer les mécanismes de justice formels et, de soutenir la société civile ainsi que le gouvernement nigérien pour lutter contre les violations des droits humains. C’est donc dans ce cadre que se tient cet atelier sur les litiges qui vise, selon M. Abdourahmane Hassane, à fournir aux citoyens l’aide dont ils ont besoin pour naviguer et accéder au système judiciaire formel. “Cet atelier renforcera les capacités du barreau nigérien et des organisations de la société civile de défense des droits de l’homme sur les stratégies de défense pour fournir des réparations aux victimes de violations des droits de l’homme”, a indiqué le Représentant de l’USAID au Niger qui n’a pas manqué de souligner que beaucoup parmi les participants se retrouvent souvent isolés et à risque, sans pairs sur lesquels s’appuyer pour obtenir du soutien. C’est pourquoi, il a été identifié un échantillon représentatif de jeunes avocats et d’avocats plus expérimentés avec des affaires en cours pour créer un environnement de mentorat et d’apprentissage appliqué pour vous aujourd’hui. “Aujourd’hui, vous partagerez vos affaires en cours et échangerez des pratiques et des compétences en matière de litige au cours de l’atelier”, a ajouté M. Abdourahmane Hassane.
Des défis persistants malgré les efforts de l’Etat et de ses partenaires
En procédant à l’ouverture officielle du séminaire, le Secrétaire général du ministère de la Justice, M.Moussa Tchida Sahirou, a indiqué que cette initiative du projet Adalci à tenir cet atelier de formation sur les stratégies du litige à l’endroit du barreau nigérien et des organisations de la société civile active en matière de droits humains est à saluer dans le contexte actuel d’extrémisme violent surtout quand on regarde les différentes zones qui sont concernées par cette intervention. “Il est de la responsabilité de l’État de veiller à la promotion et à la protection des droits humains et de ce point de vue, des efforts substantiels ont été faits pour élargir la qualité judiciaire, rapprocher davantage la justice des justiciables dans un premier niveau, mettre en place des instruments pour faciliter cet accès comme en témoigne la mise en place l’Agence nationale de l’assistance juridique et judiciaire, c’est aussi la création de la Commission Nationale des Droits Humains découlant justement de ses engagements internationaux”, a indiqué M. Tchida Sahirou qui a aussi souligné que “l’Etat du Niger veille déjà à ce que ce dispositif institutionnel soit mis en place pour donner la chance, la possibilité déjà aux mécanismes nationaux de promotion et protection des droits humains pour apporter les réponses attendues par les populations dans ce domaine”.
Dans son discours, le SGA du Ministère de la Justice a rappelé que le projet Adalci qui vise à réduire les vulnérabilités des populations en matière de droits humains a été accueilli et accepté par le ministère de la Justice comme d’autres initiatives allant dans le sens d’accompagner les efforts de l’État en matière de promotion et de protection des droits humains. “Nous nous réjouissons de tous les efforts qui sont faits par Search For Common Ground et ses partenaires pour donner corps à ce projet et veiller à ce que les populations des zones concernées soient effectivement touchées: l’information juridique, les questions de droit humains accessible à tous”, a poursuivi Moussa Tchida Sahirou qui a aussi fait remarquer que le Niger dispose d’une population fortement analphabète qui a des difficultés à comprendre certaines questions et qui a des difficultés à accéder à la justice. Il a en ce sens mis en avant la volonté des autorités actuelles à accompagner ou à faciliter l’accès à la justice de manière générale qui s’est réaffirmé par exemple cette année par le rehaussement du budget du ministère de la justice. “Le budget 2021 qu’on avait représenté a peine 0,47 % du budget général de l’État. Cette année, en 2022, ce budget a été porté à 0,67% du budget de l’État passant de manière absolue de 13 milliards à un peu moins de 20 milliards justement pour marquer la volonté des autorités actuelles à faire en sorte que la justice soit en capacité d’apporter les réponses attendues des populations notamment en matière de droits humains”, a fait savoir le SGA du département de la Justice qui n’a pas manqué de souligner que “l’extrémisme violent se nourrit des violations des droits humains et surtout des difficultés d’accès à la justice pour réparer les violations”.
“L’Etat à lui tout seul, au regard de l’immensité de la tâche et des ressources limitées à besoin de l’accompagnement des uns et des autres, des partenaires, des organisations de la société civile, d’ordre professionnel comme le barreau pour l’accompagner justement à tenir ses engagements internationaux. Nous ne pouvons donc que vous encourager, vous féliciter par rapport à cette belle initiative. Comme nous l’avons toujours dit et soutenu, vous avez le soutien total du ministère de la Justice par rapport à toutes les activités vous planifiez avec nous car nous sommes parties prenantes de ce projet. Le challenge, les défis sont importants. Pour les relever, l’État qui est le premier responsable a aussi besoin de l’accompagnement de tous, des uns et des autres, c’est ce qui justifie la tenue de cet atelier. Je ne terminerai pas ses propos sans renouveler nos remerciements à l’USAID qui finance ce projet à hauteur de 15 millions de dollars, en tout cas pour tout le soutien qu’il nous apporte dans le domaine de la justice dans ses différentes dimensions”. M. Moussa Tchida Sahirou, SGA Ministère de la Justice.
Des séminaires et des échanges pour un partenariat efficace et productif
Peu après la cérémonie officielle d’ouverture, les travaux du séminaire sont entrés dans le vif du sujet avec les présentations et autres plate-formes d’échanges à l’agenda de la rencontre. Au cours des quatre jours, les avocats et les OSCs se familiariseront sur divers sujets, notamment, “les avocats et leur mission inhérente à la promotion et à la protection des droits de l’homme”; “les Organisations de la Société Civile (OSC) en tant que structure de veille de la société”; “les avocats et les OSC en tant que groupes soutenant l’équité sociale” ou ” l’essence du respect des droits de l’homme et du respect de la loi pour influer sur les changements sociétaux”. Au menu également du séminaire,”l’utilisation de diverses institutions judiciaires, tant nationales qu’internationales, pour effectuer un changement voulu : porter des affaires devant la plus haute institution juridique légitime possible pour faire passer un message” ainsi que “l’utilisation du litige stratégique ou d’impact pour influencer la politique publique : pour provoquer une réforme sociale significative, les avocats doivent associer le litige d’impact à d’autres stratégies multidimensionnelles”. En plus de ces six (06) thèmes majeures, l’atelier a été élaboré pour servir d’opportunité pour les participants d’échanger et de collaborer avec des avocats des droits de l’homme, sur des dossiers politiques et des cas sensibles.
A noter, enfin, que le séminaire sera animé par d’éminents juristes nationaux et internationaux spécialisés dans les droits humains et le contentieux. Il s’agit du Professeur Djibril Abarchi, Professeur de Droit à l’Université de Niamey ; le Dr Horace Adjolohoun, Conseiller juridique principal et Assistant Spécial du Président de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, et, Maitre Eric Bizimana, Avocat des Droits humains, et Conseiller juridique principal à l’Institut pour les droits de l’homme et le développement en Afrique (IHRIDA).
A.K.Moumouni (actuniger.com)